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L’Happycratie : nouvelle injonction au bonheur dans les entreprises ?

Monde économique et politique, médias, citoyens, dirigeants et collaborateurs dans les entreprises semblent s’être convertis à « l’Happycratie ». Cette « économie du bonheur » est porteuse d’un discours normatif, qui est vecteur d’instrumentalisation dans les organisations. La promotion du bonheur dans nos sociétés néolibérales constitue-t-elle un « nouvel eldorado social » ? Et quel est son prix ?

 

Le bonheur a quel prix Hélène Picard et Fiona OttavianiHélène Picard et Fiona Ottaviani, sont enseignantes-chercheuses à Grenoble Ecole de Management et membres de la chaire Paix économique, Mindfulness et Bien-être au travail. Dans un article paru dans The Conversation, en décembre dernier, les deux chercheuses pointent les dérives du « discours normalisant », qui est issu de « l’économie du bonheur ».

 

Deux ouvrages font école

Les chercheuses fondent leur analyse sur deux ouvrages notamment, qui font référence dans le champ de l’économie du bonheur. Le plus récent, « Happycratie : comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies », paru en 2018, est co-rédigé par Eva Illouz, sociologue et Edgar Cabanas, docteur en psychologie. Cet ouvrage critique de l’économie du bonheur a relancé le débat sur l’instrumentalisation du bonheur, et son utilisation comme finalité sociale dans l’entreprise.

Plus ancien, « Le prix du bonheur : leçons d’une science nouvelle », paru en 2007, est le fruit des travaux de l’économiste anglais Sir Richard Layard. Son ambition ? Mettre au jour « une science du bonheur » avec ses lois et ses experts, guidant les comportements individuels et collectifs en forme d’ultimatum. Une injonction que dénoncent Hélène Picard et Fiona Ottaviani, dans une approche critique de l’économie du bonheur, mais également de la psychologie positive.

 

Une approche scientifique normalisante

Toutes deux relèvent une approche scientifique très « normative » de la question du bonheur, relayée massivement auprès du public par les grands médias et les manuels de développement personnel. En d’autres termes, il s’agirait de fournir à chacun « des clefs, des protocoles scientifiques validés, permettant d’augmenter le niveau de bonheur des citoyen-ne-s/ou des employé-e-s. » Une intention « économiquement sensée, et humainement louable » s’il en est, au vu du coût sanitaire et social, inhérents au stress généré par l’environnement socio-économique et dans les organisations.

 

Chacun devient responsable de son propre bonheur

Les deux chercheuses vont plus loin, relevant : « Dans les organisations, c’est une « mise au travail » des émotions positives de chacun (...) qui se profile. Le bonheur devient alors une nouvelle frontière des modes de management contemporain, qui s’avèrent destructeurs, notamment parce qu’ils sont source d’épuisement lié aux injonctions à « être soi », et de déshumanisation sous la forme de précarisation, de mise en concurrence ou d’évaluation permanente. Qu’à cela ne tienne, chacun devient responsable de son propre bonheur, » suggèrent-elles.

 

« Pluralisme, constructivisme et pragmatisme »

Selon Hélène Picard et Fiona Ottaviani, le pluralisme, le constructivisme et le pragmatisme constituent une autre approche des questions du bien-être, en particulier sur le terrain de l’entreprise. En témoigne, par exemple, la mise en place d’une démarche de paix économique au sein de l’entreprise, qui pourrait s’apparenter de prime abord à ce discours normatif sur la poursuite du bonheur. Ainsi, la paix économique est-elle aussi une injonction au bonheur à tout prix ?

Non, bien sûr. Une démarche de paix économique pose avant tout les jalons nécessaires aux conditions d’un changement positif et de mieux-être dans l’entreprise. Au cœur de ce changement ? L’humain, dans toutes ses dimensions, qui intègre la possibilité du conflit, de la confrontation des points de vue, des divergences de postures et une attitude d’écoute active et constructive de la part des managers… Le tout aboutissant aux ajustements nécessaires sur le terrain. En somme, dans une démarche de paix économique, la question du mieux-être des collaborateurs et des managers consiste d’abord à générer des pratiques managériales propices à de meilleures interactions entre les hommes.

C’est pourquoi, les Trophées de la Paix économique, qui auront lieu le 14 mai, à Grenoble, ne récompensent-ils pas « des gens heureux », mais une démarche d’amélioration et de transformation qui (re)met l’humain au centre pour plus d’autonomie, d’initiative et de créativité.

Lire l'article de Hélène Picard et Fiona Ottaviani sur The Conversation

 

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Manon Pacheco
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