Paix économique

Pierre Calame

Pierre Calame
Fondation Charles Léopold Mayer - Président honoraire

 

La guerre est un projet simple mené avec des moyens de plus en plus sophistiqués la paix un projet complexe éventuellement mené avec des moyens techniques simples. Cette opposition guerre/paix vaut aussi pour l'économie. Ses hypothèses de base sont simplistes et font tout reposer sur les vertus de la concurrence entre acteurs isolés poursuivant chacun ses propres intérêts, et les moyens techniques ou méthodologiques déployés pour mener ce projet guerrier, survivre dans un climat de concurrence acharnée, sont souvent d'une rare sophistication, ce qui fait les beaux jours des grands cabinets de conseil.

Or notre défi aujourd'hui est de revenir à la notion d'oeconomie, que le botaniste Karl von Linné avait parfaitement défini il y a près de trois siècles: l'art de produire du bien être pour tous dans le respect des limites des ressources naturelles. Ce qui suppose de développer, à l'instar des écosystèmes, des coopérations de toutes natures, de fonder les relations de chaque acteur avec le reste de la société sur un véritable contrat social reflétant la conscience des interdépendances et des responsabilités mutuelles. C'est l'art de la paix appliqué à l'économie. D'où mon attention au concept de paix économique qui renouvelle le regard sur le fonctionnement des institutions et sur les relations entre les acteurs

Germe - Partenaires des Trophées de la Paix économique

GERME, Groupes d'Entraînement et de Réflexion au Management des Entreprises, pour les managers qui souhaitent conjuguer performance économique et progrès humain dans leurs entreprises

 

logo GermeGERME, association loi 1901 fondée en 1998 est le réseau de progrès des managers qui veulent conjuguer performance économique et progrès humain. C'est un organisme de formation en management s’adressant aux managers qui partagent un apprentissage collectif et des valeurs de progrès managérial centré sur l'humain : respect, ouverture, confiance, humilité.

Germe est un organisme de formation en management fonctionnant en réseau à travers 150 groupes répartis sur tout le territoire. + 2 000 managers, 130 animateurs et 250 intervenants partagent une dynamique d'apprentissage au service du progrès humain et de la performance économique.

 

Au-delà des cycles de formation, l’association GERME, à travers ses actions et projets, a pour ambition d’être :

  • Un réseau de formation et de transform’actions, qui permet à des managers d’évoluer vers un management innovant et labellisé, d’être en avance d’une expérience,
  • Une communauté associative guidée par des valeurs humanistes et des projets collectifs,
  • Un laboratoire d’apprentissages animé par des principes collaboratifs porteurs de transitions sociétales.

 

La Pédagogie GERME

La singularité de la pédagogie Germe repose sur :

  • la diversité des fonctions et entreprises au sein des groupes
  • la co élaboration du parcours pédagogique par les participants.

Germe participe ainsi au développement durable des compétences des managers par le partage d'experiences et l'apport d'intervenants experts.

 

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Contacter GERME

P Demurger crPascal Demurger
Directeur Général
Groupe MAIF
Niort, France

 

Pascal Demurger témoigne ici des démarches du groupe MAIF qui rejoingnent les intentions de paix économique.

1. L’existant

Il n’est pas nécessaire d’avoir passé des années à la MAIF pour ressentir dans chacune des intentions des acteurs, dans n’importe quelle compétence, la volonté de porter les valeurs humanistes qui ont conduit à sa création.

Parce que nous avons, dès l’origine, développé une conscience aigüe du rôle de notre Mutuelle pour ses sociétaires, ses salariés, et la Société civile en général, nous sommes conduits à aller perpétuellement plus loin dans notre approche mutualiste de l’assurance :

  • Nos garanties sont généralement plus profondes, parce qu’un contrat de protection ne peut s’arrêter au milieu de la réparation, d’autant plus s’il s’agit de reconstruire une personne dévastée par un accident. Aller jusqu’au bout de l’accompagnement sans avoir de limites mal fixées au départ de la relation est un objectif permanent.

  • Nos placements financiers, piliers de la solidité économique d’un assureur, font l’objet d’une politique volontairement responsable depuis plusieurs années. Première mutuelle signataire des « PRI » européens, (principes d’investissements responsables), nous avons eu de cesse d’essaimer cette exigence jusqu’à nos offres. Dernière preuve en date, notre contrat d’assurance vie multisupport récompensé en ce sens par le Prix du meilleur contrat pour gérer son épargne de manière socialement responsable.

  • Nous avons offert des structures indépendantes à deux organisations essentielles : Fondation MAIF et Prévention MAIF.Fondation MAIF finance la recherche scientifique pour prévenir les risques qui affectent les personnes et leurs biens ;Prévention MAIF, au travers de ses missions de sensibilisation, d’information et d’éducation, illustre également la volonté de la MAIF de ne pas intervenir uniquement sur la réparation d’un préjudice matériel ou corporel, mais d’agir en amont de l’accident pour tenter de l’éviter. Leurs missions contribuent à renforcer notre rôle au niveau de la société civile.

  • Enfin, nous nous sommes investis depuis de nombreuses années pour soutenir concrètement les entreprises de l’Économie Sociale et Solidaire. Cet engagement s’étend aujourd’hui logiquement à l’Économie collaborative par grâce la constitution d’un fonds d’investissement. Ce dernier nous permet désormais d’entrer au capital d’entreprises émergentes sélectionnées pour leur proximité avec nos valeurs.À titre d’illustration récente, nous avons pris une participation dans Mesdepanneurs.fr, site fournisseur de solutions de dépannage d’urgence à domicile. Cette jeune entreprise propose une plateforme collaborative regroupant des professionnels du dépannage qualifiés doublement : par le site lui-même, mais surtout par les clients ; elle promeut des valeurs de confiance, de transparence, et de qualité de service que nous partageons.Nous nous ouvrons à d’autres entreprises pour enrichir nos savoir-faire. La MAIF s’est donné pour objectif de contribuer à la croissance de ces jeunes entreprises. C’est pourquoi ces partenariats s’inscrivent dans la durée pour un bénéfice mutuel.En étant fidèles à nos valeurs d’origine, nous avons structuré le rôle de « militant » : des sociétaires qui acceptent de consacrer tout ou partie de leur temps à la MAIF, afin de porter la voix des assurés à chaque niveau de l’entreprise.

Cette proximité, souvent géographique, a favorisé l’émergence d’une zone grise, où se développent les marges de manœuvre de chacun des acteurs du réseau que l’on soit militant, manager ou collaborateur. Ces aménagements laissés à la main de nos acteurs internes visent à apporter de la souplesse dans l’appréciation des situations et des circonstances, ou encore dans l’attribution des avantages commerciaux ; c’est aussi renforcer la dérogation à l’application des contrats et l’extension des compétences et des responsabilités, par exemple, l’acceptation d’un risque sans avis préalable.

Ce rôle de militant, inhérent à notre modèle, constitue une véritable et efficace force de rappel, qui nous maintient en permanence dans la recherche d’une qualité exceptionnelle de relation avec nos sociétaires.

2. Mes convictions personnelles

Dans le contexte de cet article, je souhaite mettre en avant trois convictions fortes.La première, le triptyque structure la façon de piloter notre entreprise. Il est caractérisé par trois dimensions : la satisfaction de nos sociétaires, l’adhésion du corps social et la performance opérationnelle. Il est le gage d’une action quotidienne au service de la pérennité de notre entreprise.Toute notre activité, toutes nos entités, sont pilotées sur ce modèle : chaque manager doit chercher à équilibrer à moyen terme ces trois points, en tendant à les maximiser. Piloter une entreprise sur ce triptyque, c’est donner en permanence du sens à nos missions quotidiennes, et fournir à chacun les moyens d’apprécier et donc d’orienter son action.

La deuxième concerne plus particulièrement la Direction Générale. Le Directeur Général doit être capable de faire face aux peu fréquentes mais ô combien problématiques décisions semblant mettre en opposition ses convictions et sa responsabilité de dirigeant. Cette éthique de responsabilité se caractérise par :

  • Au niveau de l’entreprise : la focalisation sur le long terme, la pérennité de l’entreprise
  • Au niveau des hommes : la recherche de l’épanouissement de chacun, et d’une harmonie au niveau de l’entreprise ; la création d’une communauté, ensemble de personnes liées par des valeurs communes.D’une certaine façon, le développement du rôle de militant au sein de la MAIF pourrait être lu comme une traduction de la volonté d’incarner dans l’entreprise ses convictions, en contrepoids des salariés, plus porteurs des responsabilités listées ci-dessus.Enfin, ma troisième conviction résulte de mon parcours : je crois fondamentalement aux valeurs républicaines, qui proposent à chaque citoyen des droits et des devoirs. Dans le contexte de l’entreprise, je pense que la MAIF doit rendre possible et promouvoir, pour chaque salarié, d’être citoyen dans, par et au-delà de l’entreprise.

3. Les projets qui ont été lancés

Parmi les quatre piliers du Plan Stratégique que nous venons de lancer, à savoir l’Innovation, le Digital, l’Économie Collaborative, et la Confiance au Quotidien, les deux derniers font naturellement écho à mes convictions :

  • l’économie collaborative parce qu’elle met en avant des valeurs de solidarité, de responsabilité sociétale, de relations horizontales entre pairs, auxquelles je suis attaché ;
  • la confiance au quotidien, qui est, pour moi, l’étape indispensable sur le chemin de l’épanouissement au sein l’entreprise.

Plus précisément, la confiance au quotidien se décline sur trois axes : confiance en soi, confiance en son équipe, et confiance en son entreprise et ses dirigeants.
Il s’agit selon moi d’un état d’esprit individuel qui irrigue les relations à soi et aux autres, et également les actions, la façon de faire : la confiance détermine le Quoi et le Comment. Pour la faire vivre, notre organisation s’enrichit de plus en plus de la diversité, et avant tout celle des hommes et des femmes par lesquels se produit le changement. Car chacun doit se saisir de la stratégie d’entreprise pour satisfaire son envie d’y contribuer, d’expérimenter sur un principe de bienveillance et de performance. Afin de favoriser une propagation entre pairs, nous avons mis en place des explor’actions dans d’autres entreprises et organisations, pour que nos collaborateurs s’inspirent puis améliorent nos pratiques. Des marchés aux initiatives ont été créés par les collaborateurs et militants pour partager leur engagement, leur énergie, leurs actions individuelles et collectives, ainsi que les bénéfices qu’ils y ont trouvés dans leur bien-être au travail, la satisfaction de nos sociétaires et la performance de notre entreprise. Je suis convaincu que la richesse des personnes nourrit la force du changement.

Cet état d’esprit se décrète, au moins au niveau du manager, mais également avec ses pairs : « je décide d’accorder ma confiance a priori ».
La confiance se traduit principalement, dans le monde de l’entreprise, par une grande autonomie, et une responsabilisation de chacun : il s’agit de redonner une prise à chaque salarié sur l’organisation de ses activités, sur les décisions qui le concernent, et sur l’évolution de son métier. Elle nécessite une transformation conséquente du manager, qui doit devenir un leader développeur :

  • leader afin d’inspirer ses collaborateurs, et leur donner en permanence le sens, et ainsi nourrir l’autonomie ;
  • développeur afin de les rendre capables et de rendre possible leurs aspirations. Rendre possible, c’est mettre en place un environnement, un écosystème qui favorise la prise d’autonomie de ses collaborateurs ; rendre capable, c’est développer les compétences de ses collaborateurs afin qu’ils réussissent.

Le socle de la confiance s’est fondé sur de nouveaux comportements, que nous avons baptisés les règles du Je, qui favorisent l’épanouissement individuel grâce à et au service de l’épanouissement collectif : privilégier l’essentiel ; jouer collectif ; donner de l’importance à l’autre ; être acteur du progrès. Autant de principes qui caractérisent l’état d’esprit et la façon d’interagir. Afin de soutenir ce lâcher prise, d’accompagner et de renforcer cette évolution individuelle, a également été initiée une démarche de Pleine Conscience au cœur de l’activité, des relations et des flux, et à plusieurs niveaux de la mutuelle : des structures opérationnelles, des services du Siège, les membres du COMEX … J’y vois un moyen de développer un esprit de co-responsabilité et la conscience que chacun doit se poser la question de son influence dans l’organisation et les relations interpersonnelles à partir de son ressenti et son vécu professionnel. D’autres pratiques se développent comme la sophrologie, le co-développement pour favoriser des réponses à son environnement de travail et des décisions plus justes. L’individu est un enrichissement pour le collectif et inversement. Chacun est invité à développer son réseau d’influence et de connaissances pour renforcer la coopération, la solidarité, permises par la connaissance de soi et des autres.
Enfin, le projet de Marque Employeur nourrit la fierté d’appartenance à l’entreprise des salariés et de nos militants. Il vise à renforcer notre attractivité et notre image en rendant l’identité de la MAIF plus lisible et donc plus vrai.

Tout ceci contribue à établir un équilibre entre la réalité interne de l’entreprise et son rayonnement externe. L’un et l’autre s’alignent naturellement au profit d’un sens partagé par l’ensemble des parties prenantes. Car je suis convaincu de la force de la symétrie : le climat de confiance que ressentent les salariés, rejaillit sur les relations avec le sociétaire : traitez vos salariés comme vous souhaitez qu’ils traitent leur client.

Je ne suis pas encore arrivé au terme (s’il existe) de ce chemin de la Paix économique :

  • Nous venons juste d’initier des actions auprès de nos prestataires, afin de favoriser leur travail quotidien, et d’augmenter la considération que nous développons quotidiennement à leur égard.
  • Enfin, envers la concurrence, ma position auprès du Gema, et notre sortie de SFEREN ne doivent pas contraindre une ambition de collaboration et de coopération qui n’a pas encore de traduction concrète aujourd’hui.

De plus, la MAIF n’est qu’au début de son périple et il est sans doute un peu tôt pour en tirer des leçons ; mais je suis convaincu que nous avons franchi une étape capitale, et irréversible, après cette 1ère année si riche.

 

Le parcours de Pascal Demurger

Ancien élève de l’École Nationale d'Administration (promotion Victor Schoelcher, 1996), Pascal Demurger a quitté la Direction du Budget au Ministère de l’Economie et des Finances pour rejoindre la MAIF en septembre 2002. Recruté en qualité de Conseiller à la Direction générale, il évolue ensuite au sein du Groupe à différents postes de la Direction générale avant de devenir Directeur du Groupe MAIF en octobre 2009.

Depuis juillet 2014, il est Président du GEMA (Groupement des Entreprises Mutuelles d’Assurance Il est également Vice-Président de l’AFA (Association Française de l’Assurance).

Pascal Demurger est également Président d’Altima Assurances, Administrateur BPCE Assurances, Socram, Parnasse MAIF et membre du Conseil de surveillance IMA (Inter Mutuelles Assistance).

 

 

MRicard Photo Raphaele Demandre 015b crMatthieu Ricard
moine bouddhiste, auteur et photographe
Association Karuna Senchen
Nepal

 

Matthieu Ricard a écrit la préface du livre "Osons la Paix économique - De la pleine conscience au souci du bien commun". Nous en reproduisons ici un extrait.

Associer la voix de la bienveillance à celle de la raison

Les mots paix et économie sont rarement associés. Pourtant, si l’on souhaite que la paix et l’harmonie règnent dans une société, dans un pays, voire dans le monde entier, on ne saurait négliger le rôle de l’économie dans la genèse des conflits comme dans leur résolution.

Il existe de nombreux facteurs qui contribuent à la bonne entente entre les individus et les peuples. L’économie est incontestablement l’un de ces facteurs. D’où la nécessité d’une « paix économique », fruit d’une économie positive et solidaire. Il ne faut pas oublier que la prospérité économique n’est pas un but en soi ; elle doit être un outil au service de la société.

Un conflit est généralement le symptôme d’une insatisfaction, d’un sentiment de frustration ou d’injustice chez l’un ou l’autre des protagonistes dudit conflit. Pour que l’économie devienne un facteur de paix et non de dissentiment, elle doit être associée à un certain nombre de valeurs fondamentales : justice, équité, liberté, respect et considération d’autrui.

De même que les émotions positives ne sont pas une simple absence d’émotions négatives – la joie est bien davantage que l’absence de tristesse –, la paix est davantage qu’une absence de conflit. Pour être authentique et durable, la paix doit être fondée sur une prise en considération sincère des aspirations d’autrui et sur le désir, tout aussi sincère, que les individus et les peuples vivent en bonne entente les uns avec les autres.

La paix économique ne consiste pas à museler la lutte des classes ou à régler les conflits d’intérêts entre multinationales. Elle ne peut être fondée que sur une bienveillance véritable à l’égard des autres. C’est là un point fondamental qui mérite d’être approfondi dans la mesure où il est loin d’être évident dans le monde de l’économie classique. De fait, il prend à contrepied le point de vue des quelques-uns des plus prestigieux fondateurs de l’économie contemporaine.

« Le premier principe de l’économie est que chaque agent est uniquement motivé par l’intérêt personnel1, » écrivait Francis Edgeworth, l’un des plus importants représentants de l’école économique « néoclassique. » Quant à William Landes et Richard Posner, l’un économiste, l’autre juriste, ils constatent : « Dans le marché concurrentiel, l’altruisme n’est pas un trait doté d’une valeur de survie positive2. »

Cela n’implique nullement que tous les économistes partagent ce point de vue, ou qu’il faille abolir le système économique dominant sur la planète et repartir de zéro. Mais il importe de prendre conscience qu’une telle vision de l’économie et de la nature humaine est à la fois réductrice et erronée. Comme l’écrit Amartya Sen :
« Il me paraît tout à fait extraordinaire que l’on puisse soutenir que toute attitude autre que la maximisation de l’intérêt personnel est irrationnelle. » Une telle position « implique nécessairement que l’on rejette le rôle de l’éthique dans la prise de décision réelle. […] Tenir l’égoïsme universel pour une réalité est peut-être un leurre, mais en faire un critère de rationalité est carrément absurde.»3

Muhammad Yunus, prix Nobel de la Paix et créateur du microcrédit, déclare quant à lui :
« Il n’est pas nécessaire de changer la façon de faire des affaires, il suffit de changer l’objectif poursuivi. Une économie dont le but n’est que la recherche du profit est égoïste. Elle rabaisse l’humanité à une seule dimension, celle de l’argent, ce qui revient à ignorer notre humanité. Et puis, il y a l’économie altruiste dont la finalité première est de se mettre au service de la société. C’est ce qu’on appelle une « économie sociale.»4

L’économie sociale est aussi viable que l’économie égoïste, mais son bénéficiaire direct est la société. Vous pouvez, par exemple, fonder une entreprise dans le but de créer des dizaines de milliers d’emplois ou de fournir de l’eau potable et bon marché à des milliers de villages. Voilà des objectifs qui diffèrent de la simple recherche de profit.

 

Un changement d’attitude

Tout cela n’est possible qu’à la condition de changer nos attitudes. Pour peu que l’on en ait le désir, il n’est pas si difficile qu’on l’imagine de passer d’une vision purement égocentrique à une vision qui prend en considération le sort d’autrui et tient compte du fait que nous sommes fondamentalement interdépendants.

Pour cela, il suffit de faire appel non seulement à la raison, mais aussi au potentiel de bienveillance que nous avons naturellement en nous, même si, parfois, nous le négligeons.

 

La voix de la raison

Pourquoi la raison ? Pour qu’une vision des choses et sa mise en œuvre soient fonctionnelles, elles doivent être en accord avec la réalité. Si l’on se trouve constamment en porte-à-faux avec cette réalité, tôt ou tard elle se rappellera à nous de manière parfois brutale.

Or, l’un des points fondamentaux de la réalité est précisément que nous sommes tous fondamentalement interdépendants. Nous ne sommes, en aucune façon, des entités isolées qui pourraient agir et promouvoir leurs intérêts comme si elles étaient seules au monde. Notre bien-être, en particulier, ne peut être accompli qu’avec et au travers du bien-être de tous ceux qui nous entourent.

La voix de la raison nous incite à envisager les choses objectivement. Elle nous permet notamment de réfléchir à l’interchangeabilité des points de vue et nous fait comprendre que si nous souhaitons que les autres se comportent de façon responsable, nous devons commencer par le faire nous-mêmes, ce qui favorise la coopération. Cette démarche rationnelle a sans doute constitué un facteur important dans la promotion des droits de l’humanité en général, des femmes, des enfants, des animaux, des minorités et d’autres groupes d’individus dont les droits sont bafoués. En outre, elle nous incite à tenir compte des conséquences à long terme de nos actions.

 

La voix de bienveillance

Pourquoi la bienveillance ? Parce que la raison ne suffit pas pour nous inciter à prendre sérieusement en considération le bien d’autrui, ce qui est une condition indispensable à la paix économique.

C’est ce qu’a montré Dennis J. Snower, professeur d’économie à Kiel et fondateur du Global Economic Symposium (GES). Selon lui, il y a deux problèmes que l’économie de marché et l’égoïsme individualiste ne pourront jamais résoudre : celui des biens communs et celui de la pauvreté au milieu de l’abondance. Pour ce faire, nous avons besoin de la sollicitude (care en anglais) et de l’altruisme.

En effet, affirme Snower, personne n’a été en mesure de montrer de façon convaincante que la raison seule, sans l’aide d’une motivation prosociale, suffit à amener les individus à élargir le domaine de leur responsabilité pour y inclure tous ceux qui sont affectés par leurs actions. De plus, si la balance du pouvoir penche en votre faveur, rien ne vous empêchera de vous en servir sans vergogne au détriment d’autrui. Aiguillonnée par l’égoïsme, la raison peut conduire à des comportements déplorables, la manipulation, et l’exploitation, et l’opportunisme sans merci. C’est pourquoi la voix de la bienveillance est nécessaire. Elle est fondée sur une interprétation différente de la nature humaine et permet d’inclure naturellement dans l’économie, comme nous le faisons dans notre existence, l’empathie, la capacité de se mettre à la place de l’autre, la compassion pour ceux qui souffrent, et l’altruisme qui inclut toutes ces qualités. S’ajoutant à la voix de la raison, la voix de la sollicitude peut changer fondamentalement notre volonté de contribuer au bien commun.

 

 [...] suite du texte dans l'ouvrage "Osons la Paix économique - De la pleine conscience au souci du bien commun""Osons la Paix économique - De la pleine conscience au souci du bien commun" de Dominique Steiler.

 Notes de bas de page:
1 Edgeworth F. Y. (1967). Mathematical psychics: an essay on the application of mathematics to the
moral sciences. A. M. Kelley, p. 16. Francis Edgeworth (1845 –1926) fut titulaire de la chaire
d’économie à Oxford.
2 Landes, W. M., & Posner, R. (1977). Altruism in law and economics. National Bureau of Economic
Research Cambridge, Mass., USA.
3 Sen A. (1993). Éthique et économie, Paris, PUF, p. 18. Cité par Lecomte, J. (2012). La bonté
humaine. Op. cit.
4 Transcrit par l’auteur d’après ses notes.

 

Parcours de Matthieu Ricard

Fils de l’artiste peintre Yahne Le Toumelin et du philosophe Jean-François Revel, Matthieu Ricard vit dans l’Himalaya depuis près de cinquante ans. Il est l’auteur et coauteur de plusieurs ouvrages dont Le Moine et le Philosophe, L’infini dans la paume de la main, Plaidoyer pour le bonheur, l’Art de la méditation, Plaidoyer pour l’altruisme (NiL Éditions) Plaidoyer pour les animaux (Allary Éditions) et Trois amis en quête de sagesse (avec Alexandre Jollien et Christophe André). Il est également l’auteur de plusieurs livres de photographies parmi lesquels L’esprit du Tibet, Bhoutan, Un voyage immobile, 108 sourires et Visages de paix, terres de sérénité (La Martinière) (www.matthieuricard.org).

Il collabore activement à plusieurs programmes de recherches en neurosciences sur les effets de l’entraînement de l’esprit sur le cerveau et de la méditation et est membre du conseil de Mind and Life Europe.

Il vit principalement au monastère de Shechen au Népal et consacre la totalité de ses revenus et droits d’auteurs à près de 200 projets humanitaires dans le domaine de la santé et de l’éducation qui bénéficient environ 400,000 personnes chaque année (voir www.karuna-shechen.org).

 

mayor zaragoza 03 crProf. Federico Mayor
President of the Foundation for a Culture of Peace, Autonomous University of Madrid
Former Director General of UNESCO
Madrid, Spain

 

“Every human being able to create, our hope”

Humanity should be guided by “democratic principles” as enshrined in the UNESCO’s Constitution... in order to “save the succeeding generations from the scourge of war”, as decided by “We, the people...” (first phrase of the UN Charter).

Progressively, the aid to development (which should be integral, endogenous, sustainable and human) was substituted by loans, cooperation by exploitation, the ethical values by market laws and the United Nations System by plutocratic groups (G-7, G-8...G-20).  The World Bank for Reconstruction and Development lost his “name” and the World Trade Organization was founded directly out of the UN System...

The result of all of these neoliberal measures is that the markets had the driving force of world governance instead of the social and political guidelines.

The present situation is extremely complex and needs immediate action, because points of no return can be reached before long if the present trends are not redressed.  At planetary scale, with a complete lack of multilateral democratic governance, the social inequalities, the environment, fanaticism and military actions -as the invasion of Iraq in 2003 without the consent of the Security Council- require immediate measures in order to build up the “new beginning”, as proclaimed in the Earth Charter (2000).

Now more than ever it is necessary to regain the ethical values that were replaced by commercial values.  A “welfare society” is now restricted to 20% of human beings, while the 80% of them, in a successive gradient of basic needs deprivation, live in extreme poverty and thousands die every day of hunger at the same time that 3 billion dollars are invested in military expenditures and armament.

The transition from an economy based on speculation, productive delocalization and war to a knowledge-based economy for global sustainable and human development, is at present more urgent than ever in the past before points of no return are reached.

The transition from a culture of imposition, domination, violence and war to a culture of encounter, dialogue, conciliation, alliance and peace, can now take place because for the first time in history the human beings can express themselves freely and know what happens worldwide.  Even more important is that women -the cornerstone of the new era according to President Mandela- increase their decision-making capacity, with their inherent values, at a rhythm unbelievable two decades ago.

Yes, now the transition from force to word that would be the historical shift of human civilization, can be a reality if processes potentially irreversible are avoided in order not to deprive the future generations from their rights to a dignified life. Immediate action must therefore be decided in three main issues:  extreme poverty and the resulting migration fluxes; environment; nuclear threat and terror.

To this end, to urgently convene an Extraordinary Session of the UN General Assembly to deal with the above mentioned subjects could be the only solution to enlighten the somber present horizons.

In the same session a “road map” for the refoundation of a multilateral truly democratic System (“new UN”) could be the first step for radical changes leading to “the other possible world in which we dream”.

World security -in social and peaceful living terms- would be the main concern, with a reduction in military expenditures and the elimination of the nuclear threat.

Disarmament for development: it is at present a completely ill approach to devote billions of dollars to high military technology with giant benefits for a very restricted number of persons/institutions (Oxfam has recently stated that 85 persons have a greater wealth than the half of humanity, 3.3 billion of people... while most of the peoples live -and die- in inhuman conditions!).

With a renewed multilateral system, the main priorities of the UN (food, water, health, environmental care, education and peace) could be implemented worldwide.
Research and innovation for development should be strengthened. As Professor Krebs said, progress depends on thinking what nobody has thought until now.

“Positive” society is one that becomes no spectator anymore but actor, no silent but voice-raising, no obedient subject but full citizen. Citizens “free and responsible”, acting according their own reflections.  Actors of a “Positive” society are those that take in their hands the reins of the common destiny.

In article 11th of the present draft of the “Universal Declaration on Democracy” that refers to ethical, social, political, economical, cultural and international aspects, it is said that “all dimensions and aspects of economic democracy are subordinated to social justice”.  These are the pillars of “economic peace”, an economy oriented to the benefit of all human beings and not only to some immensely powerful “investors”.

All human beings equal in dignity.  All able to create.  All able to invent the future, to overcome what is impossible today and make it possible tomorrow.

 

Federico Mayor's professional experience

Prof. Federico Mayor Zaragoza was born in Barcelona in 1934. He holds a Ph.D. in Pharmacy from the Universidad Complutense de Madrid (1958). In 1974, he was co-founder of the Centro de Biología Molecular Severo Ochoa at the Universidad Autónoma de Madrid and of the Consejo Superior de Investigaciones Científicas (High Council for Scientific Research, or CSIC). Among his other political responsibilities, Professor Mayor has been Undersecretary of Education and Science for the Spanish Government (1974-75), Member of the Spanish Parliament (1977-78), Adviser to the Prime Minister (1977-78), Minister of Education and Science (1981-82) and Member of the European Parliament (1987). In 1978, he became Assistant Director-General of the UNESCO. In 1987, he was elected Director-General of that Organization, and was reelected for a second term in 1993. In 1999, he decided not to run for a third term and, upon returning to Spain, created the Fundación Cultura de Paz, of which he is Chairman.

During the twelve years he spent as head of UNESCO (1987-1999), Professor Mayor Zaragoza gave new momentum to the Organization's mission, "to build the bastions of peace in the minds of men". It became an institution at the service of peace, tolerance, human rights and peaceful coexistence, by working within its areas of authority and remaining faithful to its original mission. Following Professor Mayor's guidelines, UNESCO created the Culture of Peace Program, whose work falls into four main categories: education for peace, human rights and democracy, the fight against exclusion and poverty, the defense of cultural pluralism and cross-cultural dialogue, and conflict prevention and the consolidation of peace.

 

 

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